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- Allié Pascal FR
Les couleurs de l'Odéon
On le présente souvent comme le peintre de la musique, mais vous êtes appellation un peu simpliste et réductrice se cache une démarche unique et complexe.
L'homme est passionné et fougueux, travailleurs et solitaire, vivant et torturé, comme de nombreux grands compositeurs. Sa peinture est avant tout une exploration de la vie des illustre musiciens, doublée d'une interprétation symbolique.
Jean-Pierre Passeport se trouve bien à l'étroit dans son petit local de Conflans : la (jolie) cave voûtée, toute en longueur, ne manque pourtant pas de charme, mais Notre homme a besoin d'air et d'espace. Il est tout en mouvement, en gestes.Ces bras décrivent de grands cercles quand il écoute la musique ou quand il commente ses tableaux. Impossible d'enfermer l'oiseau sauvage dans une cage ! Il travaille dur avant de peindre : il étudie la vie d'un artiste, toute sa vie : sa biographie, bien entendu, là où il est passé, le décor, les villes, demeures, palais, théâtre... Les influences, les fréquentations, les intimes... Eh bien, sur les sources d’inspirations littéraires, les livrets d'opéra, la mythologie antique ou germanique... Jean-Pierre lit aussi les romans, recherche toutes les images connues. Il semble que rien de publié sur le compositeur ne puisse échapper à la curiosité de Jean-Pierre. ! Voilà un des ingrédients de sa peinture. La recette n'est complète qu'après un long travail de préparation de la maquette. Chaque tableau est construit selon une symbolique qui permet de comprendre l'œuvre musicale.
Lire le tableau. À la différence de nombreux peintres qui vous laissent seul devant un tableau, Jean-Pierre aime le commenter et vous aide à le décortiquer. Passer quelques secondes seulement devant la peinture n'apporte pas grand-chose. On a tout juste le temps de reconnaître un visage connu, un lieu commun, comme la chevelure en bataille d'un Beethoven ou le très jeune Mozart au clavier de son clavecin.
En prenant le temps, on découvre que l'ensemble est un arbre qui se ramifie et dont chaque branche porte une image : là, le personnage d'une œuvre, ici le portrait d'un être aimé, derrière le décor du théâtre ou Jadis le maitre officiait. La vie et l’œuvre du compositeur se trouvent résumées, rassemblées par la malice du peintre, en un seul tableau.
L'architecture occupe une place essentielle dans la composition de cet univers : partout des bâtiments, des façades, des décors rappellent l'époque et le contexte artistique. Ce n'est pas tout : à cela vient s'ajouter la touche personnelle du graphiste qui joue avec l'image, ondule les courbes au rythme de partitions, brise des chaînes pour illustrer la symphonie du Nouveau Monde de Dvorak, bouscule l'organiste de son tabouret alors qu'il interprète la grande Toccata de Bach dont les notes se perdent en résonance jusqu'aux voutes de la cathédrale, ou peint le regard fuyant de Tchaïkovski pour illustrer ces amours interdits... Le peintre joue aussi avec nous quand il écrit un texte sur un minuscule phylactère ou sur un parchemin à peine lisible : « Si vous avez incliné la tête pour lire cette phrase, c'est que vous n'êtes pas indifférent ! ».
Tous les moyens sont bons pour faire participer les spectateurs : trompe-l'œil, calligrammes, double lecture, clin d'œil... rien n'est laissé au hasard, chaque fragment de la toile véhicule une idée, une information ou un sentiment perçu pendant l'écoute musical. Lire le tableau relatif à un compositeur revient ainsi à embrasser la vie et l'œuvre de celui-ci. C'est une démarche pédagogique non dissimulée : Jean-Pierre aimerait d'ailleurs réaliser des peintures en relief que pourraient lire des malvoyants. Il faut à tout prix partager, ne rien garder pour soi. Tel pourrait être la devise de ce pas être hors du commun. Pascal Laillé.